La mauvaise herbe


       
      

       Il commençait à suffoquer. Combien de temps lui restait-il? Il ne le savait. Quelques heures, quelques minutes… il espérait le moins de temps possible. Son corps allait chercher de plus en plus loin sa respiration, sollicitant de plus en plus son diaphragme, mobilisant ses côtes cassées qui le faisaient atrocement souffrir. L’angoisse montait en vagues nauséeuses. A son âge avancé, il s’était toujours demandé de quelle manière il quitterait ce monde. Aurait-il pu imaginer que ce serait dans des conditions si terrifiantes? Car il le savait, il était à la merci d'une trop lente agonie. Une boule vint se nicher dans sa gorge: lui avait vécu une bonne partie de sa vie, mais ses étudiants qu’il savait à côté…

         Il ferma les yeux, ce qui pourrait paraître absurde dans sa condition - il était dans le noir- mais cela l’aidait à se concentrer, à tenter de se calmer, à résorber sa colère et accepter son sort afin de mourir plus sereinement. Comment le monde était-il devenu ce qu’il était? Pourquoi certains hommes portent-ils au fond d’eux-mêmes autant de cruauté? 

        « Ils » s’étaient immiscés telle la gangrène, pourrissant le cerveau des plus faibles, les manipulant, utilisant les dogmes, le chômage, les catastrophes économiques et écologiques engendrant des migrations massives, leur peur profonde de cet avenir de plus en plus incertain. « Ils » avaient promis monts et merveilles afin d'accéder légalement au pouvoir, sous le masque de l'espoir, et d'asseoir leur autorité suprême. Puis, petit à petit, « ils» avaient instauré un régime totalitaire, au grand étonnement de chacun, abolissant une à une les libertés individuelles. Certains se réveillèrent mais il était trop tard. Le mal était dans la place, disséminant son odeur putride de chaos, l'armée écrasant, comme une mouche, tout départ de rébellion. 

      Lui, avait résisté. Au moment où s'était produit le pire. Au moment de la ghettoïsation. Au moment où l'on enlevait au peuple l'essence même de la vie : la nature. 

       « Ils » avaient créé l'enfer, enfermant la populace dans des villes dénaturées, privées du moindre représentant de la flore. « Ils » avaient arraché les arbres et brûlé jusqu'à la dernière mauvaise herbe. « Ils » avaient interdit le jardinage et la culture des plantes, sous peine de mort. « Eux » s'étaient installés à la campagne sous des coupoles artificielles contenant une atmosphère propice à l'épanouissement de la nature, se nourrissant délectablement de fruits et légumes aux yeux d'un peuple aux abois...

    

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